6193475_73b04a02c9_l

Le recul d’Anglet vu du ciel: 1954-1969-1978-2008.

Suite à plusieurs questions de certains d’entre vous, l’équipe SoSLa a créé une Foire Aux Questions qui reviennent le plus souvent. Afin d’y répondre, nous avons laissé la parole aux spécialistes! Nous avons été chercher des informations dans plusieurs thèses d’ingénieurs récentes, dont celles de l’Université de Montaury à Anglet. Nous précisons à chaque fois le document dont sont extraites ces informations. Si vous souhaitez en savoir plus, ces travaux sont consultables en intégralité via le WEB*.

1-Le littoral angloy subit-il la même érosion naturelle que le reste de la côte Aquitaine se traduisant par un transit du sable nord/sud ?

Non!

– Jusqu’en 1963, il existait un transit naturel nord/sud de sable d’environ 100 000 m3/an provoquant l’obstruction du chenal d’accès au port de Bayonne et impliquant son dragage régulier depuis 1896. La grande digue du Boucau fut construite au nord de l’embouchure vers 1966. Un transit sud-nord est alors apparu généré par les houles en réfraction sur cet obstacle créant un nouveau courant allant des Cavaliers vers la zone calme situé dans le chenal derrière la grande digue. Seul, les événements suffisamment énergétiques tels que les grosses houles hivernales sont capables de générer un courant suffisamment important pour transporter le sable angloy vers l’embouchure. (1; page 627)

Les volumes dragués à l’entrée de l’Adour sont passés d’une moyenne de 350 000 m3/an avant la construction de la grande digue à 700 000 m3 /an après la réalisation du projet.(2; page 69)

Diagramme de 120 ans

Dragages à l’embouchure de l’Adour de 1896 à 2014! Au total, plus de 54 millions de m3 de sable dragués sur la zone et 44 millions perdus au large… (Sources Archives départementaux Bayonne, Concession du port de Bayonne, 2 ETP 4/383 et CASAGEC

– Le littoral angloy, allant de la grande digue du Boucau jusqu’à à la pointe St Martin, est ainsi considéré comme étant un système sédimentaire fermé. Il n’y a quasiment aucune entrée/sortie de sable littoral. Ce système est donc constitué de 2 cellules sédimentaires qui interagissent entre elle:

– la première cellule est formée par les plages situées entre le Cap St Martin et la digue des Cavaliers

– la deuxième cellule est formée par la plage de la Barre et l’embouchure de l’Adour.

Ces deux cellules sont toujours à la recherche d’un équilibre entre elles. (3; pages 71 à 76)

6404996_21914f0487_l

Origine du sable à l’entrée de l’Adour. (Origine Lasagec2)

 

2-Existe-t-il une dérive du sable sur la zone du littoral angloy?

OUI!

– La réalisation de simulations scientifiques avec des grosses houles montrent que la présence de la grande digue du Boucau génère un fort courant Sud-Nord sur les plages d’Anglet qui se dissipe devant la grande digue dans la zone de l’embouchure. (4; pages 68)

– Les grosses houles génèrent une dérive de sédiment de direction « sud-ouest-> nord-est » devant le nord du littoral angloy provoquant ainsi le transport d’une grande quantité de sable des plages d’Anglet vers la Plage de la Barre et l’embouchure de l’Adour. Ce flux a été évalué en moyenne a 520 000 m3/an au début des années 2000 équivalent au volume de sable dragué à l’embouchure de l’Adour. (3; page 73).

6404711_9b1845c15b_l

Schéma des courants dominants sur la zone nord d’Anglet lors des grosses houles hivernales (extrait de la thèse de DUBRANNA)

 

3- Le dragage de l’entrée de l’Adour participe–t-il à l’érosion des plages d’Anglet?

OUI!

– L’extraction du sable à l’embouchure de l’Adour crée un déficit sédimentaire dans le système Barre/embouchure de l’Adour. Ce déficit est comblé par le sable en provenance du système des plages situées entre le cap St Martin et la digue des Cavaliers afin d’établir un nouvel équilibre. A cause des dragages permanent de l’entrée de l’Adour depuis 121 ans, cet équilibre n’est jamais atteint. Les sables dragués étaient, pour la plupart, exportés au large provoquant une diminution du stock de sable du littoral d’Anglet. (3; page 76) Mais depuis 2015, le volume de sable rapporter devant les plages étant proche des 100%, le déficit n’augmente plus.

– Le système est en érosion dès que le sable n’est pas ramener devant les plages. Un bilan sédimentaire permet de montrer que le taux d’érosion du site était important (~ 500 000 m3/an) depuis deux décennies. Le volume annuel de sédiment qui sort du système des plages est du même ordre que le volume qui ensable l’embouchure. (4; page 89)

6822098_6894e97f56_l

Schéma des fonds littoraux angloys avec notamment la fosse de garde au sud du chenal et la dune sous-marine au large crée par le clapage qui culmine à -12 m.(thèse Dubranna)

 

4- Est-ce primordial que le sable dragué à l’entrée de l’Adour soit lâché devant les plages d’Anglet ?

OUI!

– Le sable déposé au large est actuellement définitivement perdu pour le littoral. (4; page 89)

– Une accélération du recul du littoral Angloy est constatée à partir de 1965 suite à l’augmentation du transit Sud-nord du sable et au dragage de 700 000 m3 par an clapés au large. (2; page 69).

– A partir de 1974, et ce jusqu’en 1990, 70% du sable dragué à l’embouchure de l’Adour est clapé devant les plage du sud d’Anglet, afin de lutter contre l’érosion avérée. Cette disposition montre un résultat positif au sud des plages qui disparaît après, lorsque la proportion des clapages côtiers diminue à partir de 1991. (3; pages 62-68).

6173366_b5e89acfcc_l

Dragages et clapages entre 1974 et 2007.

La baisse du clapage côtier à partir de 1990 est liée à un changement de politique des responsables de la DDE Maritime de Bayonne et à la baisse des crédits accordés aux Ponts et Chaussées pour cette tache. (5)

5-Le phénomène de réchauffement climatique a-t-il un impact important sur l’érosion des plages d’Anglet des dernières décennies?

Non!

– Il y a 20 000 ans, lors du dernier maximum glaciaire, le niveau de la surface de l’océan était 120 mètres plus bas que celui que nous connaissons actuellement. Une grande partie de l’eau terrestre se trouvait sous forme de glace continentale. Lors de la déglaciation, il est remonté progressivement de 110 mètres et s’est stabilisé il y a environ 7 000 ans. Depuis, le niveau de la mer a peu varié: il ne se serait élevé que de 0,5 millimètres par an au maximum. (6) 

– Le niveau de la mer au niveau des côtes de la métropole (Atlantique et Méditerranée) s’est élevé à un rythme un peu inférieur à la moyenne globale, avec un taux de variation de l’ordre de 2 mm/an sur la période 1993-2010. (7; page 7 et page 16).

6404786_c3d82a802a_l

Carte de la distribution géographique des vitesses de variation du niveau de la mer (1993-2007) d’après Topex/Poseidon et Jason-1 : Zoom sur la Méditerranée. Source :LEGOS

 

La plupart des études citées en référence ont été faites entre 2003 et 2012. Elles viennent affiner des études déjà sorties sur ce sujet dans les années 70 par le Laboratoire Central d’Hydrologie de France (LCHF), qui ont eu pour effet la mise en place du clapage côtier en 1974, avec un effet positif sur le sud des plages d’Anglet jusque dans les années 90.

Le creusement de la fosse de garde en 2000, où il a été retiré 1 350 000 m3 de sable au sud du chenal, a aussi impacté le littoral Angloy. Le but de cette fosse est de piéger le sable qui vient des plages d’Anglet avant qu’il n’obstrue le chenal de navigation.
 350 000 m3 de sable équivaut au volume de la tour Montparnasse. La création de la fosse de garde représente 4 fois le volume de la tour Montparnasse……..C’est depuis cette date que l’on a constaté visuellement une forte modification du profil des plages angloyes. Qui faut-il remercier pour cette initiative catastrophique alors qu’une enquête publique avait autorisé de ramener la plus part des sables devant la côte?

6416889_90871b4cac_l

La tour Montparnasse à Paris.

L’équipe SosLa

*sources:

(1)/ D. Rihouet, « Modèle empirique 3D: application à la gestion des activités de dragage à l’embouchure de l’Adour« .

(2)/ Thèse de Brière 2005, « Etude de lhydrodynamique dune zone côtière anthropisée: lembouchure de l’Adour et les plages adjacentes d’Anglet » .

(3)/ Thèse de Dubranna 2007, « Etude des échanges sédimentaires entre l’embouchure de l’Adour et les plages adjacentes d’Anglet » .

(4)/ Abadie et Al, Rapport final CABAB 2004 « Etude préliminaire du comportement hydro-sédimentaire du littoral d’Anglet et de l’entrée du port de Bayonne » .

(5)/ Article Sud ouest, 11 Mai 2004, « L’érosion menace les plages d’Anglet » Médiathèque Bayonne.

(6)/ Kemp et al., 2011

(7)/ ONERC: « Rapport du niveau de la mer 2012« .

3 réflexions sur “L’érosion du littoral angloy pour les nuls!

  1. Si je comprends bien votre article, quand vous écrivez la faute à qui ? Il faut comprendre que c’est à cause du creusement de la fosse de garde en 2000 que l’érosion s’est accélérée sur les plages d’Anglet ?

    Merci pour vos éclaircissements et votre engagement.

    J’aime

    • Le creusement de la fosse de garde en 2000 a eu un effet énormément érosif pour les plages d’Anglet puisque plus d’un million de m3 de sable ont été retirés des fonds devant la plage de la Barre. Si on regarde par rapport à ces 40 dernières années, c’est l’opération la plus impactant pour les plages et si on fait les totaux sur 120 années d’activités de dragage, l’ensemble des sables retirés du littoral représente 44 millions de m3 de sable donc là aussi cette opération reste un record. Je vous propose de lire l’article: L’histoire du dragage à l’embouchure de l’Adour et particulièrement la quatrième partie. Vous y trouverez plus de détail sur le contexte et les effets du creusement de la fosse de garde. https://sosla.wordpress.com/2015/11/01/lhistoire-meconnue-du-dragage-a-lembouchure-de-ladour/

      Salutations littorales

      J’aime

Laisser un commentaire